L’art subtil de l’abandon : réflexions sur l’Empire du Jogging Gris

humour mode jogging gris

Quand avons-nous décidé que s’habiller en public avec un jogging gris, c’est-à-dire la version textile du néant, était un choix envisageable ?

Le jogging gris, l’uniforme des partisans du moindre effort

Ce vêtement semble avoir été conçu par un génie du mal ayant fait un pacte avec l’ennui. Il s’est glissé dans notre quotidien comme une mauvaise habitude. Jadis réservé à ceux qui se levaient à cinq heures du matin pour courir dans le froid glacial, il est désormais l’uniforme universel de la décadence vestimentaire.

Les joggings gris envahissent les trottoirs, les transports et même les bibliothèques — ces sanctuaires dans lesquels le pantalon à pinces régnait autrefois en maître.

On les choisit pour leur seul confort, et tant pis pour le reste. Le jogging gris est l’équivalent vestimentaire du mot « bof ». Il est là, sur vos jambes, comme un accident vestimentaire cérébral. Et pour les chanceux qui en ont fait leur tenue quotidienne, il symbolise une éthique de l’abandon, une soumission à la loi du moindre effort.

Ni esthétique, ni éthique, la vague grise

Ce n’est pas un manifeste de simplicité, ni même une révolte contre la mode. C’est pire : c’est un acte d’allégeance totale à l’invisibilité. Porter un jogging gris, c’est dire au monde : « Je n’ai pas d’opinion. Ni sur moi, ni sur quoi que ce soit d’autre. »

Le jogging gris n’impose rien, sinon son apathie. Il crie sans bruit : “J’ai cessé d’essayer.”

Et peut-être est-ce là le plus effrayant : tout le monde semble s’en accommoder. Comme si nous acceptions, les bras ballants, l’idée que l’élégance est une exigence dépassée. En jogging gris, on n’est ni à la maison, ni vraiment dehors. On est nulle part, c’est-à-dire à l’endroit préféré de notre époque.