Arts

Atari Teenage Riot, ta daronne faisait des pogos dans les années 90 : biographie

Les origines d’Atari Teenage Riot Berlin, début des années 90. La scène techno allemande bouillonne. Avec la chute du mur de Berlin, l’Allemagne connaît des tensions et voit émerger une sous-culture néo-nazie qui infiltre la musique techno. C’est dans cette atmosphère qu’Alec Empire, Hanin Elias et Carl Crack, trois jeunes Berlinois, se lancent dans une entreprise musicale et politique radicale. Le nom, Atari Teenage Riot  : en combinant « Atari » – hommage aux premières machines électroniques – avec l’idée de révolte adolescente, les membres d’ATR affichent d’emblée une volonté de retour aux sources d’une musique brute. Leurs compositions, construites autour de samples agressifs et de rythmes frénétiques, sonnent comme des claques. À travers leurs premières productions, dont « Hetzjagd Auf Nazis! » (Hunt Down the Nazis!), Atari Teenage Riot entend réveiller une jeunesse désabusée. En un sens, c’est un retour aux racines du punk, transposé dans la musique électronique. Avec une approche avant-gardiste, le groupe attire l’attention, et polarise. À écouter si vous êtes énervés et avez besoin de cocooning : Membres fondateurs et influences : Alec Empire, Hanin Elias et Carl Crack Derrière les visages durs et les hurlements, Atari Teenage Riot, c’est : Alec Empire, Hanin Elias, et Carl Crack. Alec Empire, de son vrai nom Alexander Wilke-Steinhof, est le cerveau derrière l’identité sonore et politique du groupe. Fils de la scène punk berlinoise, il lance son label Digital Hardcore Recordings (DHR), et déclare la guerre aux majors et aux compromis musicaux. Pour lui, la musique doit être un acte de résistance. Un concept qu’il applique avec la précision d’un chirurgien… ou la fureur d’un démolisseur, selon le point de vue. À ses côtés, Hanin Elias est une anomalie dans cette scène masculine. Féministe convaincue, elle se fait une place avec une voix rauque et impitoyable, capable de passer de la douceur au cri de guerre en une syllabe. Après Atari Teenage Riot, elle fondera son propre label, Fatal Recordings, exclusivement dédié aux femmes. Enfin, il y a Carl Crack. Originaire d’Afrique du Sud, il apporte un autre niveau de colère et d’intensité, imprégné d’expériences personnelles. Crack était le visage et la voix de la rage d’ATR. Ses troubles psychologiques, amplifiés par un style de vie intense et un recours massif aux drogues, finiront par lui coûter la vie en 2001. Un genre musical unique : la naissance du digital hardcore Pour ceux qui se posent la question, le terme évoque une sorte de mutation génétique entre le punk, la techno et… un marteau-piqueur. Le digital hardcore, c’est un genre musical conçu pour secouer les tympans et les consciences. Alec Empire, fondateur du label Digital Hardcore Recordings (DHR), en est le créateur et le principal apôtre. Avec Atari Teenage Riot, il forge un style qui refuse toute subtilité et mise sur l’agression sonore. Pas de mélodies enjôleuses ni de refrains accrocheurs. Concrètement, ce genre mélange samples rapides, basses fracassantes et rythmes syncopés à plus de 200 battements par minute, le tout souvent accompagné de riffs de guitare électrique dignes des concerts de métal. Contrairement à la techno mainstream qui dominait les clubs, le digital hardcore est fait pour des salles sombres, des lieux underground. Pour Empire, ce style musical est aussi une réponse directe aux tendances qu’il juge néfastes dans la musique électronique des années 90. Le digital hardcore, c’est l’anti-techno de masse, l’antithèse des sons commerciaux qui occupent les ondes. À une époque où la scène électronique allemande commence à s’assagir et à flirter avec les radios commerciales, le label DHR accueille des artistes partageant sa vision de la musique : EC8OR, Shizuo et d’autres. Pour le public d’ATR, le digital hardcore devient une véritable expérience cathartique. Ce n’est pas une musique pour tous, mais ceux qui s’y aventurent trouvent une communauté où les tensions de l’époque se libèrent (un peu). Séance de yoga avec Atari Teenage Riot : L’impact d’Atari Teenage Riot sur la scène musicale internationale Si leur nom ne résonne peut-être pas aussi fort que ceux de Nirvana ou Rage Against The Machine, Atari Teenage Riot a pourtant laissé une marque indélébile sur la scène alternative mondiale. Dès le milieu des années 90, leur influence s’étend au-delà des frontières européennes. En 1997, la signature avec le label Grand Royal des Beastie Boys ouvre au groupe les portes de l’Amérique. Et pas n’importe quelles portes : des tournées avec Wu-Tang Clan, Rage Against The Machine, Nine Inch Nails. Cette rencontre avec les poids lourds du rock, du rap et de la scène électro alternative fait naître un petit culte autour d’eux. La rage scénique d’ATR inspire, notamment dans des morceaux où le son est à la limite du supportable – un atout dans un paysage musical saturé de groupes consensuels. Des groupes comme The Prodigy ou les Chemical Brothers intègrent des éléments de cette fusion electro-punk dans leurs compositions, même si leurs œuvres ne vont pas aussi loin dans l’agression sonore. Mais c’est dans la scène underground, dans les clubs alternatifs de New York à Tokyo, que l’empreinte d’ATR est la plus durable. Ils ont ouvert la voie à un style musical où la technologie devient l’outil d’une révolte, et où le beat électronique peut se faire aussi incisif qu’un riff de guitare punk. Les années difficiles : dissolution et perte Au tournant des années 2000, Atari Teenage Riot est le théâtre de tensions internes, et tout le monde souffre d’épuisement. Carl Crack, dont la présence sur scène électrise le public, cache depuis longtemps une lutte contre des troubles psychologiques. Les tournées éreintantes, les concerts où l’intensité ne redescend jamais, et la politique permanente de confrontation usent les nerfs du groupe. Crack est perdu dans les drogues. En 2001, il est retrouvé mort d’une overdose dans son appartement berlinois. C’est un choc pour ses proches. Avec la disparition de Carl Crack, l’âme du groupe est en partie éteinte. Pour Alec Empire et Hanin Elias, c’est une perte irrémédiable, à la fois artistique et personnelle. La dynamique explosive du trio ne peut être remplacée ; elle tenait de

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Séries : à la recherche du temps libéré

Dans Vide à la demande. Critique des séries (L’Échappée, 2024), Bertrand Cochard présente une analyse acerbe de l’impact des séries sur nos vies. Contrairement à la vision commune qui encense les séries comme des outils d’émancipation ou de critique sociale, Cochard les voit comme des instruments idéologiques. Il montre comment elles perpétuent l’addiction aux écrans et participent à la marchandisation de notre temps libre. L’impact des séries à l’infini Cochard soutient que les séries, omniprésentes et consommées à la demande, renforcent notre dépendance à une infrastructure numérique qui altère notre manière de vivre et de penser. Les séries s’invitent dans chaque moment creux de nos vies, créant une illusion d’évasion tout en nous maintenant captifs du système économique capitaliste. Elles nous « libèrent » de notre temps de cerveau disponible, non pas pour un repos sain, mais pour nous maintenir actifs dans un cycle continu de consommation. L’auteur critique aussi le fait que les séries, bien que parfois mises en avant pour leur potentiel critique, finissent par désamorcer leur propre message. Elles deviennent un élément du spectacle qu’elles prétendent dénoncer, nous laissant aliénés, les yeux rivés sur nos écrans. L’économie de l’attention et l’aliénation moderne Loin de simplement dénoncer un divertissement moderne, Vide à la demande examine en profondeur les effets délétères des séries sur nos existences. Cochard propose une réflexion sur le temps, la fiction, et la manière dont les séries participent à une économie de l’attention qui nous déconnecte de la vie réelle. Cela reflète un enjeu essentiel : notre rapport au temps, devenu un simple « capital chronométrique à investir », où chaque moment doit être rentabilisé par la consommation de contenu. « Critique des séries » de Bertrand Cochard (L’Échappée, 168 p., 17 €)

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Serguei Prokofiev : vie et mort, une courte biographie

Serge Prokofiev naît en 1891 dans un village d’Ukraine. Fils unique, il compose son premier opéra à l’âge de 9 ans, que son père trouve immoral (le méchant gagne). Prokofiev invente également son propre alphabet, afin que ses parents ne puissent pas lire son journal intime. Prokofiev et la grande URSS, acte 1 Élève turbulent au Conservatoire de Saint-Pétersbourg, il se distingue par ses œuvres audacieuses, ce qui lui vaut l’admiration de certains et le rejet d’autres. En 1914, Prokofiev remporte le concours Anton-Rubinstein et s’impose sur la scène musicale russe. Il se montre dur avec les musiciens ou collègues qu’il estime mauvais. Rapidement, l’instabilité politique le pousse à quitter le pays. Il s’installe d’abord aux États-Unis, puis à Paris, où il compose des œuvres marquantes, telles que L’Amour des trois oranges et le Concerto pour piano n°3. Prokofiev et la grande URSS, acte 2 En 1936, malgré la montée du totalitarisme, il décide de revenir en URSS. Est-ce bien raisonnable ? Les autorités l’accueillent à bras ouverts. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il écrit des chefs-d’œuvre comme Roméo et Juliette et la Symphonie n°5. Sa carrière prend un tournant tragique après 1945. Soupçonné de formalisme (?), il est critiqué par le régime et perd le soutien officiel. Il doit s’excuser publiquement (?). Sa femme est arrêtée et condamnée aux camps (?). Prokofiev et la grande URSS, acte final Accablé par la maladie et isolé, Prokofiev continue de composer. Son état de santé se dégrade. Le 5 mars 1953, Prokofiev meurt, le même jour que Staline. La presse n’en parle qu’une semaine plus tard. Et en quelques lignes. Il faudra des années pour que Prokofiev devienne une figure incontournable de la musique de son siècle.

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Il n’y a pas d’expérience artistique artificielle

Bonjour, Il y a du stress autour de l’IA. Ou de la perplexité. Ou de l’excitation (technologique et financière). On spécule autant sur la fin de l’humanité que sur son immortalité imminente. En résumé, on parle énormément, on en sait peu. C’est assez habituel. Je dis cela sans ironie. C’est en formant des hypothèses que l’humanité a réussi à passer du stade où elle se faisait bouffer par tout et n’importe quoi au stade qui consiste à envoyer le télescope James Webb dans l’espace. L’art se base sur une relation humaine Imaginons que demain, une IA sache parfaitement copier Louis-Ferdinand Céline et ponde un roman entier. Ou dix millions de romans entiers. Ce sera rigolo de lire dix pages. Et puis merde. Imaginons qu’une autre IA recopie Nirvana ou Jimi Hendrix et publie trois mille nouvelles chansons par seconde. On pourra s’amuser une semaine. L’art consiste à partager quelque chose sur l’expérience de la vie entre un humain et un autre. SI on enlève un seul élément à cette phrase, elle s’effondre. Trois cas principaux de relation IA / création artistique On fera l’hypothèse que l’œuvre proposée est faite par l’IA, mais que les humains ne le savent pas d’emblée. Il n’y a pas d’expérience artistique sans relation entre un émetteur et un récepteur humain. C’est ce qui explique, par exemple, le succès récent de l’acteur Raphaël Quenard. Il y a quelqu’un qui provoque quelque-chose. L’IA saura dupliquer ce Monsieur, audio et vidéo et chevelure désordonnée. C’est une prouesse technologique, il y aura probablement des opportunités économiques délirantes avec l’IA, elle pourra aider dans la recherche d’informations, mais : il n’y a pas d’expérience artistique artificielle. Un peu de sérieux. Allez, Au revoir.

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Monty Python : exceptionnellement, l’humanité fait des miracles

Malaise général habituel chez les humoristes La plupart des humoristes ne sont pas seulement mauvais, mais en plus de ne pas faire rire, ont plutôt tendance à énerver. Dans leur grande majorité, ils parviennent à repérer un ou deux éléments sociétaux marquants de leur époque, autour duquel ils borderont un lot de blagues soit trop gentilles (public plutôt plouc) soit trop méchantes (public plutôt urbain). Aussi, ces comiques deviennent-ils ringards au bout de cinq ans, et sont oubliés au bout de dix. Le moment de grâce : le Monty Python Flying Circus (saisons 1 et 2) On peut estimer que ce qui s’est passé avec les Monty Python constitue une anomalie statistique. Si certains de leurs sketchs, en les revisionnant, ont manifestement mal vieilli, dans l’ensemble, ils ont approché des sommets que l’humanité n’a jamais semblé avoir atteints dans son histoire entière lorsqu’il s’agit de faire rire.  Cette exception a été très courte, il s’agit des deux premières années du Monty Python Flying Circus. La troisième année montrait déjà des signes de faiblesse. Le départ de John Cleese, qui sentait un certain affaiblissement du niveau général poindre, et qui ne le supportait pas,  n’a fait qu’accélérer la fin. Le rire est le propre de l’homme (intelligent) Il est assez difficile de savoir ce qui fait rire. Il y a des sujets qui prêtent davantage à rire, mais ce qui compte, c’est la façon dont on les traite. Le rire tient de l’intuition, c’est presque de l’ordre de la musique improvisée. Peu importe le sujet, c’est la singularité d’un homme qui compte. Quand Mark Twain ou Guillaume Musso écrivent sur l’enfance, on a des résultats radicalement différents. L’intérêt de l’art réside en cela : il est d’une brutalité totale dans sa façon de jeter à la poubelle à peu près toute la production humaine au fil du temps, mais à long terme, on peut lui faire confiance. Les Monty Python font partie des rares humains à avoir exercé leur humour au point d’en faire une oeuvre d’art. Qualité d’écriture des textes des Monty Python La réussite des Monty Python est celle de Kafka. Il s’agit simplement de gens qui auraient complètement accepté leurs rôles de bouffons. Le ridicule les fascine. Ils en détournent sobrement l’aspect terrifiant. Ils le subliment littérairement. Ils font partie, avec Desproges, des rares humoristes qu’on peut lire. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si on affaire à des jeunes hommes sortis de bonnes universités. Apparemment, l’accès, tôt ou tard, à une culture convenable est de nature à améliorer la probabilité de créer ensuite une œuvre de qualité suffisante. On ne verra jamais Kev Adams écrire quelque chose comme The Ministry of Sily Walks. https://www.youtube.com/watch?v=ZSTIlKektbc De la même manière, le meilleur groupe entre les Beatles et les Rolling Stones, c’est Pink Floyd. Même causes, mêmes conséquences.  Conclusion : arrêtez de foutre vos enfants devant TikTok.  And now, for something completly different https://www.youtube.com/watch?v=i21OJ8SkBMQ

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